Ex Machina / Robert Lepage 887

[Théâtre]

Après des mises en scène autrement spectaculaires (La Trilogie des dragons, Jeux de cartes ou encore des collaborations avec le Cirque du Soleil), Robert Lepage renoue avec le « seul en scène » pour une exploration des mécanismes de la mémoire. Convoquant des souvenirs personnels, 887 n’est pas pour autant un conte autobiographique. L’anecdote, toujours, s’emmêle de considérations historiques plus générales. Années 1960. Québec. Montréal. 887 rue Murray. Dans cet immeuble, miroir d’une société à l’aube de bouleversements majeurs, le jeune Robert découvre le théâtre au détour des jeux inventés avec sa sœur. En sourdine, les premières bombes du Front de libération du Québec explosent.
On entre dans ce bâtiment par la fenêtre, à la dérobée, comme on entrerait par effraction dans le cerveau d’un homme. La topographie scénique est autant mentale que géographique, et se métamorphose au rythme de mystérieuses connexions synaptiques. Robert Lepage est un conteur passe-muraille. Il travaille un théâtre de l’ubiquité qui se moque bien des frontières spatiales ou temporelles. Une seule distance à garder, celle du recul tendrement ironique que permettent les années. 887 n’est une pièce intime qu’en ce qu’elle laisse en suspens. Une ode qui s’adresse moins à la mère-patrie et à­ sa devise – « je me souviens » – qu’aux silences du père. Et à ce métier de comédien dont la mémoire est la pierre angulaire.