Klaus Michael Grüber Iphigenie auf Tauris

[Théâtre]

Goethe était jeune quand il a écrit Iphigenie en Tauride. Il appelait sa pièce Mein Schmerzenskind - mon enfant de la douleur. Il l'aimait. Il y est revenu quatre fois entre 1779 et 1786, passant de la prose aux vers. Il existe plusieurs variantes à l'histoire d'Iphigénie. Celle que Goethe a choisie se clôt sur la paix reconquise. En Tauride, Oreste frole la folie, mais sa soeur l'amène à composer avec la vie à venir, pour que cesse la fuite devant le malheur d'être né dans une "famille furieuse qui se detruit d'elle-même". C'est de cela que souffrent Oreste et Iphigénie, de voir se reproduire sur eux la malédiction qui poursuit les descendants de Tantale, de génération en génération. Jusqu'où faut-il payer ? Pourquoi ce tribut incessant ?
Comme un archéologue souffle sur le sable, Grüber souffle sur les vers de Goethe. Délicatement, dans un geste à la beauté pure, il laisse apparaître ce qui repose de toute éternité, sur les rives de Tauride. Ses précédents spectacles (Splendid's de Jean Genet et Pôle de Vladimir Nabokov) se demandaient comment dire adieu au monde. Iphigénie avance sur le chemin de l'apaisement. De tout autre metteur en scène, on dirait qu'il atteint au classicisme, avec Klaus Michael Grüber, cette notion n'a pas de sens. Il est au-delà. Son geste est celui d'un poète.

Brigitte Salino in Le Monde, 25 février 1998