Heiner Goebbels Schwarz auf Weiss

[Musique]

Episodes ludiques, substrat métaphysique, Schwarz auf Weiss, est l'aboutissement d'un travail qui, après avoir marié théâtre et musique, s'interroge sur la manière dont l'exécution musicale peut se substituer, sans l'aide d'acteurs dramatiques, à la représentation théâtrale. Noir sur blanc prend prétexte d'un récit d'Edgar Allan Poe, L'Ombre, et les silhouettes sombres des exécutants se dessinent sur la blancheur du fond de scène : une symbolique des lumières qui n'appartient qu'à Jean Kalman. Un cadavre est là. Des survivants, réunis dans une grande salle, rient, dansent, chantent, rivalisent de gaîté ou de subtilité avec leurs instruments. Les musiciens de l'Ensemble Modem, jouant leur propre rôle, sont les seuls "acteurs" de cette parabole. Les seuls (la pièce leur est dédiée) qui auraient pu relever, en musiciens inventifs et libres, en troupe soudée mais formée d'individualités de toutes origines, ce défi d'un théâtre musical fondamental et poly-culturel. La parabole est à plusieurs entrées. On y entend la voix d'Heiner Müller, ami très cher du compositeur, mort avant que Noir sur blanc eût été achevé. Goebbels lui doit l'assurance que le rapport entre créateur et interprètes n'est pas une relation de pouvoir. Le noir sur le blanc, c'est aussi le signe tracé par la plume sur le papier ; "Vous qui me lisez, vous êtes encore parmi les vivants; mais moi qui écris, je serai depuis longtemps parti pour la région des ombres", écrit Poe.