Robyn Orlin ... have you hugged, kissed and respected your brown Venus today?

[Théâtre]

Parce qu’elle avait un corps hors norme, la Vénus Hottentote fut exhibée devant des spectateurs fascinés par la taille de ses hanches, de ses fesses et de son sexe. Saartje Baartman est une figure emblématique pour les Sud-Africains. En lui rendant hommage, la chorégraphe Robyn Orlin, dont le Festival d’Automne et le Théâtre de la Ville ont accueilli l’an passé le spectacle Walking Next to Our Shoes… avec la chorale d’Afrique du Sud Phuphuma Love Minus, explore une nouvelle fois notre rapport à l’autre et les préjugés tenaces qui troublent les relations entre Africains et Occidentaux. « Ce qui m’intéresse », indique- t-elle, « c’est ce qui arrive lorsque la science et le spectacle (pour ne pas dire la politique) convergent dans des manifestations prétendument anthropologiques destinées à divertir… ».
Esclave, née vers 1789 dans l’actuelle Afrique du Sud, Saartje Baartman est emmenée en Europe pour être vendue puis prostituée. Objet sexuel,
elle devient un objet d’étude pour les scientifiques et les peintres. À sa mort en 1815, le zoologue et chirurgien Georges Cuvier dissèque son corps et conserve ses organes génitaux dans du formol pour asseoir ses théories sur l’inégalité des races.
Ce n’est pas un hasard si la pièce de Robyn Orlin est créée en France : le squelette de la Vénus Hottentote a été exposé jusqu’en 1974 au Musée de l’Homme, à Paris. Sa dépouille ne fut rendue à son peuple qu’en 2002 après une longue bataille avec le monde scientifique français. Grâce à la présence de cinq interprètes, Saartje Bartman va se démultiplier sur le plateau face à de jeunes acteurs français qui découvrent son histoire. L’auteur du texte de ... have you hugged, kissed and respected your brown Venus today?, l’écrivain d’origine rwandaise Gilbert Gatoré, parle d’un fantôme venu « hanter les esprits ».